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Bonjour
Quel est votre prénom ?
Réponse
: Christophe.
Dans quelle ville demeurez-vous ?
Réponse
: Paris.
Quel est votre métier ou profession ?
Réponse
: Psychanalyste.
Votre métier, vous le faites depuis quel
âge ?
Réponse
: Depuis l'âge de 32 ans.
Quel a été l’élément déclencheur pour le
faire ?
Réponse
: Un désir, assez violent je dois dire :
soudain en tout cas.
Racontez-moi, en vos termes, les bons et
mauvais côtés de votre métier ?
Réponse
: En psychanalyse, il n'y a pas de bons
ou de mauvais côtés : il y a des bords
(plutôt que des côtés), et ces bords
tournent, ou coulissent eux-mêmes autour
de trous, c'est-à-dire de jouissances.
Dès lors, ce que vous appelez les bons
cotés (lorsque ça coulisse bien si vous
voulez), ce sont les ouvertures de
l'inconscient, lesquelles font jaillir
les trouvailles et les métaphores :
c'est-à-dire qu'à ces moments, le
dispositif de la cure analytique (mise
en acte de l'inconscient, transferts,
interprétations, associations libres,
neutralité bienveillante, etc.) démêle
effectivement les symptômes et libère
des souffrances. Les mauvais côtés,
c'est quand ça coince : ce sont les
difficultés de ce métier. C'est, par
exemple, ne pas réussir à surmonter les
résistances qui se présentent dans une
cure analytique et de devoir ainsi
abandonner un travail qui s'annonçait
pourtant intéressant, malgré les
difficultés que, la plupart du temps,
l'on pressentait déjà.
On retrouve plusieurs aspects dans votre
métier. Pouvez-vous en décrire
quelques-uns ?
Réponse
: Ce que m'évoque votre question, c'est
qu'une cure analytique se présente
souvent en deux temps : dans un premier
temps, on est souvent amené à intervenir
d'une manière assez souple, c'est-à-dire
à parler au patient, à l'aider si l'on
veut, afin de lui faire au moins
entrevoir ce que recouvre cette réalité
psychique si difficile à entrevoir
qu'est l'inconscient. Ce sont à vrai
dire, les préparatifs de la cure
analytique, les préparatifs au «voyage»
dit Freud. Lucien Israël (un
psychanalyste des années soixante-dix)
parlait lui de «Lune de miel» de
l'analyse. Dans un second temps, on
écoute le patient prendre à son compte
son propre matériel inconscient, le
travailler par lui-même, et finir par se
libérer, seul en fin de compte, de ses
conflits psychiques. Bien sûr, ces deux
temps ne sont pas toujours aussi
tranchés que je viens de le décrire.
Cependant, ils renvoient peut-être, pour
l'observateur extérieur, à deux aspects
différents de ce métier : un aspect qui
serait de l'ordre du soutien, de
«l'aide» (entre guillemets), et un
aspect qui semblerait plus relever de
l'écoute.
Beaucoup d’études pour faire votre
métier ?
Réponse
: Il n'y a aucun diplôme, si c'est là
votre question, qui puisse répondre de
la formation d'un psychanalyste. Cette
formation se passe sur le divan, en
effectuant sa propre analyse
(didactique), et en la poussant le plus
loin possible : c'est-à-dire en
surmontant les résistances qui ne
manquent jamais de se manifester aux
plus proches abords de l'inconscient.
Néanmoins, vous voyez également que «pas
de diplôme», cela ne veut pas dire : pas
de travail. Bien au contraire, en
parallèle à l'analyse didactique, on
suit généralement toute sa vie, des
séminaires de psychanalyse, et l'on
s'engage en prenant part à des groupes
de travail, à interroger sa pratique.
Cela peut se faire sur un mode agréable
et joyeux, mais cela reste un travail,
un engagement définitif.
Conseilleriez-vous ce métier à des
jeunes ?
Réponse
: Ce n'est certes pas à moi de
conseiller ce métier à quiconque ; c'est
à chacun de s'y engager s'il le souhaite
et surtout, s'il s'intéresse à
l'inconscient freudien.
Referiez-vous ce métier s’il vous était
demandé quel métier vous voudriez faire
?
Réponse
: Je n'ai jamais envisagé une seule
seconde faire ce métier avant de
l'exercer. Je n'y avais jamais réfléchi
auparavant, et je n'y réfléchirai pas
plus maintenant, pour un : «si c'était à
refaire». Mais je crois que si c'était
le cas, je serai irrémédiablement
conduit à la même croisée des chemins.
Merci de votre entrevue : Merci à vous.
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